mercredi 27 mars 2013

Conte XI: Les mouvements du vide - Yin et Yang


      Il était une fois, lorsque j’étais étudiant dans une université confucianiste, le professeur nous montra une image qui était vraiment nulle dans mon impression. C’était une illustration insérée dans un livre ancien qui s’appelait Comment peut-on civiliser la Terre par le vide ?
    Le professeur nous dit : « Commençons par cette image qui exprime la source d’une civilisation. Elle s’appelle Wuji. Ça signifie le vide absolu. Je vous en donne à chacun une copie. »
      En la distribuant, il nous dit ainsi : « Conservez bien cette image précieuse, parce que la vérité est pratiquement simple. »
      Voilà, à quoi ressemble cette image :



      Tout en apercevant pour la première fois ce dessin, j’avais envie de dire à mon professeur : « Ça alors c’est vraiment nul ! Si vous le voulez, cher professeur, je peux vous en tracer beaucoup en une minute, tout comme les enfants qui créent leurs propres civilisations. »
      Le professeur nous expliqua alors :
      « Cette image n’est pas nulle, parce qu'il y a toujours quelque chose dedans... »
      Je levai la main puis lui dit rapidement, sans permission :
      « Je sais, mon professeur, dans le vide, il y a toujours de l’air, comme l’oxygène, l’hydrogène et l’azote.
      - Cette image ne représente pas les matières gazeuses, dit-il en me jetant un coup d’œil. Les choses gazeuses ne sont pas du vides. Si nous utilisons ce terme, c’est pour montrer son sens propre : le vide absolu, dans lequel toutes les matières sont expulsées, même les gazeuses. Pour que le vide puisse civiliser la Terre, il faudrait qu'il soit pur et serein. A ce niveau là, toute la vérité jaillira toute seule du vide, comme une source. L’avez-vous compris, mon petit ? »
      La parole du professeur était belle et m’attirait, mais je lui dit tout de même :
      « Oui, mon professeur... mais pas vraiment... je ne vois rien... dans le vide absolu...
      - C’est vrai ! Vous ne pouvez le voir, puisqu'il ne s’agit pas de matière. Je vous dis un secret : pour le vide, il ne faut pas le voir, il faut le sentir. C’est parce que cette ressource inestimable ne reste jamais calme, elle aime à se mouvoir. Quand le vide bouge, vous pouvez le sentir...
      - Oui, mon professeur, je peux le sentir, parce qu'il fait du vent quand le vide bouge. »
      J’avais, encore une fois, coupé la parole du professeur.
      « Mais non, mon petit. On ne compte pas le vent ici. Parce que le vent n’est pas un mouvement absolu provenant du vide. Il est éphémère. »
      Puisque le vent n’a pas été compté, pensais-je, alors, on ne pouvait plus jamais être informé exactement si oui ou non le vide est nul. Ça manque de signes.

      À l’âge que j’avais, je ne comprenais rien tout seul, mais je croyais que j’étais plus intelligent que ce professeur vieillot. Ce devait être fatigant pour lui de toujours et toujours nous donner des explications vainement.
      « Mon petit, dit-il, quand le vide absolu bouge, son mouvement est très grand, et très puissant. Il nous enveloppe et règne. Regardez autour de vous. Vous avez été submergé par le vide, avez-vous senti qu'il est en train de vous caresser de ses mouvements ? Bien sûr, le mouvement du vide n’est pas comme celui d’une voiture, il se réalise seulement par le changement de sa nature. Ceci nous montrerait deux indices évidents : soit faire clair, soit faire sombre, ou bien, soit rester chaud, soit rester froid. Dès qu'il fait clair, il crée le jour, et dès qu'il fait sombre, il crée le soir, et pour toujours, le clair accompagne du chaud et le sombre du froid. Ça fait donc que dans la journée, vous sentirez relativement le chaud, et dans la soirée, relativement le froid … »
      Une fois de plus, brutalement comme une révolte, je coupai la parole du professeur :
      « Je ne vous crois pas, cher professeur ! Le jour et la nuit sont les faits donnés du soleil. Ils n’ont rien à voir avec le vide. Parce que la Terre tourne sur elle-même une fois toutes les 24 heures. Quand la Terre se tourne vers le soleil, elle subit le bombardement des photons solaires. Les scientifiques ont dit que les photons sont de tous petits corpuscules de lumière émanant du soleil. Et quand ces petites particules lumineuses atteignent la Terre, elles se cognent aux vapeurs qui se trouvent dans la couche atmosphérique. C’est parce que, dans l’air de notre Terre, il existe beaucoup de vapeurs qui peuvent disperser les rayons solaires. Ça fait donc la journée qui est claire. En arrivant au soir, la Terre tourne le dos au soleil, à ce moment là, il n’y a pas de bombardement, c’est le calme qui fait la nuit en noire. »
      Je récitai des phrases d’un livre de vulgarisation scientifique que j’adorais. Je le lisais chaque soir sous la couverture. Mais j’ai sans doute, compliqué les choses !
      Le professeur me répondit : « Ce dont vous avez parlé, ce n’est qu'une hypothèse scientifique. Ça manque de preuves, mon petit. À mon avis, l’hypothèse n’est qu'une hypothèse, il ne faut pas la prendre au sérieux. Tout ce que je peux vous dire, en bref, c’est que jamais le soleil ne bombarde la Terre. »
      Que les photons solaires cognent ou non la Terre, les scientifiques ne peuvent nous fournir de preuves directes, ça, c’est vrai. Je suis donc d’accord que l’histoire des rayons solaires reste une hypothèse. Cependant, ce professeur affirma carrément que le soleil ne bombarde jamais la Terre, n’est-ce pas un autre type d’hypothèse ?
     Malheureusement, les confucianistes ne savaient jamais jouer aux hypothèses, ils manquaient encore de leçons. Ce qu'ils savaient, ce sont toujours les raisons. Mais de quelles raisons s’agissait-il dans cette histoire ?
      Alors, le professeur nous montra sa raison :
      « Levez ta tête et regardez le ciel nocturne, dans lequel, toutes les petites lumières qu'on appelle étoiles restent commodément à leurs places. Lorsque nous voyons cette magnifique image, nous comprenons que, par la même méthode, les photons solaires restent aussi tranquillement à leur place, ne vont jamais bombarder la Terre. Car, les étoiles et les photons sont créés par la même loi de la nature. Sans se soucier de la différence de taille des matières, cette loi s’applique à tous dans l’Univers, et tant pour les grands que pour les petits, elle offre toujours le même service qui profite à tous. En cas contraire, si les photons solaires pouvaient aller bombarder la Terre, on devrait voir le même scénario réalisé par la même ordonnance dans le ciel : les étoiles fileraient également comme les TGV dans toutes les directions ! Mais ce spectacle n’existe qu'au cinéma ! »
       Je me demandai : « L’histoire des rayons solaires qui bombardaient la Terre, que je connais depuis que je suis entré dans l’école n’est-elle qu'un cinéma ? Ça change tout s’il est vrai. »
      Le raisonnement du professeur m’a rendit perplexe, et impitoyablement il continua :
      « Il y a une chose très importante pour comprendre notre univers, c’est qu'il y a deux créatures qui existent devant nous en même temps : la créature de la nature et la créature de l’homme. Elles sont complètement différentes. Par exemple, la journée, la nuit et les étoiles sont des créatures de la nature, alors, elles sont en ordre, et elles sont belles. D’autre part, les bombardements et les cognements des particules sont des créatures de l’homme, qui se réalisent conséquemment par hasard, et qui sont affreuses. Hélas, comme toujours, il y a des hommes malins qui aiment bien faire preuve d'ingéniosité en confondant les deux créatures, afin de déclarer leurs productions de laboratoires comme correspondant à l'oeuvre de Dieu, et leurs résultats scientifiques comme produits de la nature. Mais ça fausse la vérité.
»
      Je pouvais accepter sur le principe la critique du professeur. Mais je n’étais pas complètement convaincu. Je me mis à réfléchir : « Peut-être que le professeur a raison, mais cela ne met pas d’obstacle au soleil qui nous brûle. »
     Alors, l’interrogeai : « Quand notre corps se trouve face au soleil, nous sentons vraiment la chaleur solaire. N’est-ce pas une preuve du bombardement des rayons solaires que nous subissons ?
      - Notre corps ne sent la chaleur qu’autour de nous, jamais la chaleur autour du Soleil. Si quelqu’un prétend que son corps ne sent seulement que la chaleur qui provient au-delà d’une distance de cent cinquante millions kilomètres et non celle de plus près, il ne faut pas y croire, mon petit. Cette histoire, selon laquelle, un enfant ne pouvait être chauffé par la cheminée de son salon, mais seulement par un grand four se trouvant aux États-unis, dont la chaleur devrait traverser triomphalement des tempêtes de l’océan Atlantique, est curieuse. Ça ne me semble pas normal. Il s’agit probablement d’une maladie, mieux vaut consulter un médecin que de rien faire. »
      Cette fois-ci, ce fut moi qui me tut. Alors, les mots du professeur dansèrent dans ma mémoire et m’enfoncèrent dans une rêverie qui dura longtemps…

      Le vide se meut, parfois clair et parfois sombre, parfois chaud et parfois froid. Après le sombre, vient le clair ; après le clair, c’est le sombre ; ainsi qu'après le jour, vient la nuit, et après la nuit, c’est le jour. Son mouvement est si profond, et si simple. Sans mystère, ni difficulté, un peu fastidieux peut-être, le vide ne sait faire que ce genre de cercles. Ça nous permet de conclure ce spectacle.
      « Pour nommer le spectacle du mouvement de vide, les confucianistes emploient deux termes : Yin et Yang, dit le professeur.
      Le Yin représente principalement la nature de froid ou de sombre, y compris ce qu’il enfante comme l’inactivité, la lourdeur, ainsi que les autres, qui sont tous les phénomènes nés de cette nature. Et, le Yang représente par principe celle de clair ou de chaud, ainsi que léger, actif, et tous les autres qu’il enfante. Or, dès que le Yin et le Yang se déroulent, les mouvements forment de modestes cercles dans le ciel. On dirait que leurs circonvolutions sont monotones, mais leurs tailles sont très différentes. Tantôt tous petits et tantôt très grands : grands pour former les galaxies, ainsi que les systèmes solaires dans le ciel, petits pour former les jours et les nuits sur la Terre.
      Bien que les déroulements du Yin Yang soient indifférents, leur réalisation est très intéressante : du yang au yin, ou du yin au yang, chaque côté avance insensiblement, mais en écrasant inéluctablement son opposant. Dès que la tâche d’un côté a complété triomphalement, son adversaire est né imperceptiblement. Puis, le même processus se déroule dans le sens contraire, éternellement. »


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